C'est avec plaisir que j'ai décider de reprendre du service ici pour partager l'avancement de mon roman. Je suis déjà bientôt à la moitié. Aujourd'hui donc je partage avec vous un extrait du premier chapitre que j'ai nommé: Spleen d'honneur.
Bonne lecture chers amis et à très bientôt!😉
Le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés…
Une nouvelle fois, elle tenta le côté gauche.
1515 Marignan.
Puis elle se recroquevilla à droite.
π = 3,14.
Elle s’allongea sur le ventre, le visage bien calé sous l’oreiller, essayant d’échapper à ses pensées tourbillonnantes.
1789, la prise de la Bastille.
Elle recommença, de plus en plus agitée, son esprit refusant de se poser. Enroulée telle une momie dans la couette, imprimée en jaune et noir, elle se repositionna sur le dos. Après avoir bien scruté le plafond blanc de sa chambre durant plusieurs minutes, elle ferma les yeux, en soupirant.
Rien à faire !
Dans la chambre d’à côté, le vieux couple ronflait à tue-tête, créant une symphonie discordante de respirations lourdes et régulières, un contraste troublant avec le silence pesant de sa propre solitude.
La Puissance (Watt) = La Tension (Volt) x L’Intensité (Ampère).
Son fidèle compagnon, lui, était bien étendu sur le côté droit du lit, paisible et serein. Il ronronnait à plein régime, les vibrations résonnant doucement dans l'air, apaisant le tumulte qui l'habitait. Dans cette nuit troublée, Kagouille était comme un rempart contre ses pensées anxieuses. Elle adorait sa sympathique tête longue et moustachue, son regard vif et captivant qui semblait toujours saisir l'essence des choses. Ses yeux brillaient d'une lueur malicieuse, comme s'il était le gardien de secrets que seule elle pouvait comprendre.
Sa queue, presque aussi longue que son corps, se mouvait avec grâce, tandis que ses pattes robustes et musclées lui permettaient de sauter avec agilité, révélant son côté joueur. Les coussinets ronds, parfaitement dessinés, avec cinq doigts à l'avant et quatre à l'arrière, ajoutaient à son allure délicate, contrastant avec sa stature massive. Kagouille n'était pas qu'un simple chat ; c'était un véritable compagnon, un nounours à la robe chocolat, doux et réconfortant, avec une petite tache blanche et ovale au niveau du collier, un marqueur d'identité qui le rendait unique.
Il pouvait être à la fois curieux, méfiant et craintif, un mélange de caractéristiques qui le rendait encore plus attachant. Son côté gourmand était légendaire, souvent à l'affût de la moindre occasion pour dérober une friandise, et ses escapades en dehors de la maison étaient autant de petites aventures qui agrémentaient leur quotidien. Plus que tout, il était malin et très joueur, capable de transformer un simple bout de ficelle en un trésor inestimable.
Elisabette cessa de s’intéresser à son Kagouille, un faible sourire aux lèvres, le regard attendri par cet irrépressible petit être. Elle orienta sa tête vers la table de nuit, le sourire s'effaçant lentement alors que l'angoisse revenait pour la hanter. Le radio-réveil, implacable, affichait en rouge : 4H09.
Compter les moutons ?... Il est déjà trop tard…. Plus la peine !
Elisabette s’était pourtant bien préparée à subir ce pénible jour de fête. Elle avait même obstinément consacré l’intégralité de son samedi à la révision de ses cours, entassant ses livres sur le bureau, entourée de feuilles volantes et de crayons éparpillés, espérant ainsi occuper son esprit en quête de distraction. Elle se résolut à sortir discrètement et faufila son corps élancé, depuis le hangar où était sagement garée la C15 de l’oncle Dédé, jusqu’au bout de l’allée recouverte des premières roses trémières de la saison. Furieuse et bien en selle, la jeune fille s’élança avec détermination pour regagner en quelques secondes la rue du verger.
Satanée pleine lune !
Blanc et imposant au-dessus des maisons endormies, l’astre rond triomphait, dessinant des ombres sur les ruelles étroites, témoignant des secrets anciens. Comme une touche de lumière sur l’obscurité environnante, ses boucles blondes flottaient dans l’air humide de cette fin de nuit, scintillant comme des étoiles perdues.
Rue Gilbert Ranson, un petit quart de rond-point, rue des Côtines, sur pas moins de cinq virages et une bonne longueur encore avant d’atteindre la rue des Vignerons.
Jamais son HIPOWER à cadre saumon et violet n’avait traversé avec autant de rapidité le petit village de La Chevalerie. À mi-chemin de sa destination, Elisabette se mit à freiner brutalement.
Voilà un camion… Prudence….
Après le passage du poids lourd, la voie était de nouveau libre.
C’est bon !
La tête baissée et les pédales à fond, elle passa la départementale avec succès.
Elisabette s’arrêta et descendit du VTT pour le dissimuler derrière un buisson. Une légère brume recouvrait l’étendue des bassins désert. Le long des claires, les docks en cuir cerise, robustes et imposants, s’enfonçaient légèrement dans l’herbe humide. Elisabette avançait dans ses boots à la mode, chaque pas ajoutant une touche de rébellion à sa silhouette féminine.
Avant l’aurore, elle désirait ardemment atteindre le dolmen d’Ors : un tombeau face à la mer, son sanctuaire personnel. Un endroit où les échos du passé résonnaient à travers les âges. Dans sa mémoire de petite fille, la légende, tel un chant ancien, refusait de s’éteindre, racontée par la voix chaleureuse de Christian, son grand-père :
« Dans le pays des Santons, la riche et puissante cité d’Anchoine prospérait à l’abri des courants marins. Le peuple écoutait attentivement la parole des Druides et plus encore celle des fadas. Elles avaient le pouvoir de transmettre les messages entre les hommes et les dieux. L’une d’entre elles, prénommée Myrghèle, habitait une cabane dans la grande forêt, un endroit mystérieusement envoûtant, rempli de murmures et de secrets chuchotés par les arbres. Elle était amoureuse secrètement d’un jeune guerrier, un héros au cœur vaillant, dont la bravoure faisait trembler les ennemis. Le jeune garçon restait insensible aux avances de cette dernière et lui avoua qu'il était fiancé à Sylvane, la fille d'un pêcheur, dont la beauté était telle qu'elle faisait pâlir les roses au printemps. Myrghèle, en apprenant l'existence de cet amour, se mit à vouer une haine farouche et terrible à l'encontre de la jeune Sylvane. Le jeune guerrier s'apprêtait donc à épouser la plus belle fille d'Anchoine, un destin promis sous le ciel étoilé. Mais Jules César, ancien allié du peuple Santons, ordonna à son armée d’envahir tous les territoires de la Gaule, et l'ombre de la guerre s'étendit comme un nuage menaçant au-dessus de la cité. La panique s'empara de la population entière qui demanda aux druides le secours des dieux. Ils invitèrent le fada lors d'un grand conseil, où les voix sages résonnaient dans la nuit étoilée. Myrghèle saisit alors l'occasion de se débarrasser définitivement de sa rivale. La Fada se mit donc à prétendre que les dieux exigeaient un sacrifice pour sauver la cité et qu’il fallait, pour s’accorder la protection des dieux, le sang de la plus belle vierge de la tribu. Lorsque la pleine lune fut venue, Myrghèle commença la cérémonie. Sylvane, allongée sur la grosse pierre plate, attendait son funeste destin, devant toute la tribu réunie, ses yeux pleins de naïveté et d’espoir. Au moment où la lame transperça la jeune femme, un orage terrible s’abattit sur Myrghèle. Un terrible vent violent et un raz de marée détruisirent Anchoine, emportant avec eux les rêves et les espoirs des habitants. Ainsi naquit le mauvais chemin pour séparer Oléron du continent. Seule subsiste encore la grosse pierre plate, souvenir de la punition des dieux sur le mensonge de Myrghèle. »
Elle retrouvait un sol ferme en sortant du marais et rejoignait le petit pont. Il ne lui restait plus qu’à monter en direction de l’ancienne cale à bateau, inutilisée depuis la création du Viaduc, pour prendre le sentier juste en face. Là-haut, au bout du grand chemin blanc, c’était la fin de son parcours.
Là....Enfin…Impossible !
Elisabette se sentit submergée par une vague d'angoisse, incapable de faire un pas de plus. Paralysée par la vision troublante qui se dressait devant elle, elle s’arrêta brusquement au milieu du chemin, son cœur battant la chamade. Les battements résonnaient dans ses oreilles comme un tambour, amplifiant la tension de l'instant.
Myrghèle ?!! La Fada !??…
Son visage, figé par la stupeur, exprima une terreur profonde pendant quelques secondes, tandis qu'elle tentait de percer le mystère de cette apparition. Sous la clarté blafarde de la lune, un spectre noir se faufilait silencieusement vers la grosse pierre, ses contours indistincts se mêlant à l'ombre environnante. Elisabette sentit son souffle se suspendre, chaque seconde devenant une éternité, alors qu'elle se confrontait à l'inexplicable.
Non ! …. Les fantômes.... Ça n’existe pas….
Surmontant un peu sa peur, Elisabette se précipita vers l’éperon rocheux qui protégeait le site historique de la mer. Elle grimpa silencieusement jusqu’au petit parking de l’autre côté. Une fois en haut, elle se déroba, à pas de loup, pour s’enserrer plus à l’ombre, entre les deux gros troncs d’arbre.
Ouf ! Ne pas bouger… Si jamais… elle me voit !
La forme féminine se déplaçait sous sa longue parka noire et ses bottes vertes en caoutchouc, crissant légèrement à chaque pas. La sombre silhouette se positionna devant la ruine néolithique, les mains jointes contre la poitrine.
Elle prie ??... Attendre qu’elle parte….
La capuche de l’imperméable, usée par le temps et décolorée par les intempéries, glissa lentement sur les épaules menues de l’étrange dame, révélant ainsi de longs cheveux cendrés, en bataille, qui tombaient en désordre autour de son visage. Lorsque la silhouette se tourna, un frisson parcourut l’échine d’Elisabette, car elle aperçut alors la femme au visage lumineux, qui semblait sculpté dans l'ivoire. Ses traits délicats et raffinés, ainsi que son menton en galoche, lui conféraient une allure presque féerique, comme si elle venait tout droit d'un conte ancien. Ses yeux se posèrent sur les incontournables lunettes noires, accessoire que la dame ne quittait jamais, conservant le secret sur son regard. À cet instant précis, l’adolescente, paralysée par la surprise et la peur, reconnut immédiatement le mystérieux personnage.
Mais… c’est… la vieille de Vertbois !
Les habitants l’avaient surnommée ainsi. Elle résidait dans un des blockhaus, sur la grande plage de Vertbois. Simple employée ostréicole, pour compléter son maigre revenu, elle pratiquait la pêche à pied et revendait les coquillages aux gens du coin. La sorcière, comme une ombre des légendes, se tenait là, imposante et fascinante, ses mouvements fluides comme des ombres glissant sur le sol, et Elisabette sentit l'air se charger d'une énergie étrange, comme si le temps lui-même retenait son souffle.
Asteur! Tù croyé qu’j'thieù voyé pas ?